Lors de la dernière journée de pratique à Tourrettes dans le Var une élève me demandait si les rites étaient importants.
Comme toujours la réponse va être double et en apparence pleine de contradiction : Les rites ne servent à rien mais sont indispensables.
Un rite ou rituel est une manière de donner de l’importance, du sacré, de la force à une activité quelque que soit cette dernière. Mettre la table selon une convention particulière pour le diner de famille du dimanche, allumer un bâtonnet d’encens avant de pratiquer une méditation, faire un signe de croix en passant un autel en bord de route sont différentes expression du même souhait. Nous jugeons que le sujet de notre attention est plus important que le reste, ou du moins nous aimerions qu’il le soit. Nous allons donc rajouter une couche extérieure, nous allons essayer de rendre visible notre volonté. Toutes les fourchettes seront bien alignées, les couteaux bien droits, les serviettes bien pliées, les verres dans le même ordre.
Le rite est aussi une manière de croire au résultat positif de l’activité. Ainsi en mettant bien la table nous espérons que le diner de famille se passera bien. En faisant un signe de croix en passant devant l’autel, on espère que l’on n’aura pas d’accident sur la route, en allumant notre bâtonnet d’encens nous espérons que notre méditation nous apportera quelque illumination.
Le rite est aussi une manière de croire au résultat positif de l’activité
Maintenant posons nous deux questions.
- A t-on besoin de signes extérieurs pour nous aider à porter notre attention sur une tâche, pour la rendre importante ?
- Est-ce que les signes extérieurs du rite vont réellement nous aider à accomplir la tâche ?
Avec deux sous de jugeote, on se rend bien compte que la réponse aux deux questions est non. L’importance d’une tâche réside dans notre esprit, pas dans la disposition des couverts sur la table. Et une table bien mise n’a jamais empêcher une dispute familiale !
Oui mais pourquoi alors satisfaire aux rites ? Quelle peut être leur utilité ?
Quand on débute une pratique, nous allons avoir besoin d’y croire un peu, nous allons avoir besoin d’être rassuré, de se sentir dans de bonnes conditions. Le rite va nous aider en cela. Il va nous conforter dans l’idée que tout va bien se passer. Il va surtout nous permettre de passer d’un état d’esprit superficiel et mondain à une attention soutenue tournée vers notre pratique.
C’est l’histoire du salut dans les salles d’art-martiaux. Avant d’entrer sur le tatami tout le monde bavasse, plaisante et le salut devrait faire basculer tout les élèves dans le mode : maintenant on est sérieux et on s’entraine. Quand nous sommes dans le mondain, il est difficile de basculer dans un mode attentif soutenu. Le rite sera juste là pour nous aider.
Le rite est une béquille pour nous aider à remarcher. Une fois que l’on gambade, celle-ci va nous gêner, ne va t-on pas la ranger ?
Quand nous pratiquerons des exercices très énergétiques, très tournés vers le Ciel, des exercices auquel on ne croit pas vraiment, le rite va être là pour nous aider à y croire, pour nous faire franchir une étape. Nous allons lever les bras pour aller vers le Ciel, et les baisser pour aller vers la Terre par exemple. Seul celui qui n’a rien accompli peut croire que le mouvement physique a une importance autre que celui de nous mettre en condition.
Une fois l’étape franchi, le rite peut disparaître.
Une fois l’étape franchi, le rite peut disparaître.
Le grand danger est de croire qu’il est indispensable et donc d’imaginer que l’on ne peut pratiquer que tourné vers le sud-est, habillé avec son pyjama de soie bleu, avec 3 bâtonnets d’encens allumés dans un pot rempli de sel tibétain au son d’une musique lénifiante.
A t-on besoin de se saluer pour s’entraîner martialement sérieusement ?
Les rites doivent-ils disparaître ?
Mais alors, au bout d’un moment je ne ferai plus jamais de rituels ? Je n’aurai plus de rites ? Ne nous leurrons pas, nous en aurons toujours, et puis le jour où l’on est un peu fatigué, le rite sera là pour nous donner un coup de pouce salvateur.
La voie du Dao est une voie de la simplicité. Nous n’avons pas d’autre choix que de partir de la complexité, des rites, des exercices complexes, mais nous devons petit à petit, à notre rythme, lâcher tout ce côté artificiel et revenir vers le naturel.