J’ai la chance de vivre dans une très grande proximité avec la nature. Je cultive (enfin, j’essaie de cultiver !) un jardin potager, et quelques poules vivent leur vie sur le terrain. Cela m’apporte beaucoup de joie, beaucoup de paix… et parfois, de découragements. Il m’arrive de me sentir impuissant et désespéré. Pas plus tard qu’hier, le petit groupe de vélociraptors poules ravageaient une zone de culture que j’avais passé du temps à mettre en place… Quelques heures pour préparer la zone, pour faire des semis, des semaines à attendre que les plantes se développent… Et en une minute, plus rien. Il y a de quoi avoir envie de jeter sa bêche et son chapeau…

Avec ou sans poules, nous vivons tous des moments où tous nos efforts semblent ne porter aucun fruit. Des moments un peu dramatiques (« je suis maudit ! ») où nous nous échinons à une tâche, à un but, en y mettant tout notre cœur, tout ça pour buter contre un obstacle après l’autre, ou même, que notre travail déjà accompli soit réduit à néant.
Vous savez, cette sensation de vide intersidéral qui s’empare de vous lorsque vous fermez, sans le sauvegarder, ce magnifique tableur Excel sur lequel vous aviez sué sang et eau ? Nous sommes à ce moment là comme ce petit enfant sur la plage, dont le château de sable vient d’être rasé par la vague.
L’univers n’est pas le Père Noël
Instinctivement, notre première réaction est souvent celle de crier à l’injustice (au moins intérieurement). Nous y avions mis tant d’efforts / d’amour / d’application ! Pourquoi n’avons-nous pas la récompense promise ? Cette injustice nous envahit un peu malgré nous, un peu comme un réflexe. Et pour cause : depuis l’enfance, on nous a inculqué très profondément que « tout travail amène récompense », alors à défaut de croire encore au Père Noël, ça, on y croit toujours dur comme fer.
Pour le petit point culturel, vous pouvez lire ceci dans la Bible : « Celui qui plante et celui qui arrose sont égaux, et chacun recevra sa propre récompense selon son propre travail. » (Corinthiens, Chapitre 3, verset 8).

Un travail sans le cadeau de la réussite (le bon point) c’est trop injuste !
Pendant longtemps, j’ai souffert de ce sentiment, notamment au travail. Je produisais quelque chose d’utile, mais on félicitait quelqu’un d’autre. J’avertissais des dangers, je documentais, je faisais l’effort d’expliquer, mais je n’étais suis pas écouté, et quand la catastrophe se produisais, je pouvais presque passer pour celui qui l’a provoqué, qui l’a invoqué, le rabat-joie de service. Je suis certain que vous avez déjà vécu ce genre de situation. Notre travail, nos efforts, ne sont pas récompensés à leur juste valeur.
Il y a de quoi se sentir découragé, et se dire que le monde est injuste.
C’est là qu’il faut remettre les choses en perspective.
1. Le monde est injuste ? Oui. Du moins… en apparence. L’univers ne nous doit rien, c’est un fait. Il n’y a pas de Grande Règle Générale Universelle qui affirmerait que nous devions obtenir ce que nous désirons, et peu importe que nous y ayons passé 4 heures ou 10 minutes. L’idée de la récompense divine, le « bon-point » qui serait distribué par un ou des « dieux » bienveillants est malheureusement un peu trop ancré dans notre culture. N’oublions pas que cette idée était un super moyen, notamment au Moyen-Âge, de maintenir une très grande majorité de la population au service d’une minorité. « Laboure bien ton champ, et tu seras récompensé ! » Je vous le traduit version 2021 : « Travaille bien à ce métier que tu détestes, et tu auras une piscine/une retraite »…
Essayez d’oublier cette idée que l’univers (ou un dieu quelconque, si vous préférez) vous doit ce que vous désirez. Vous ne croyez plus au Père Noël ? Vous ne lui écrivez plus de lettre ? Alors pourquoi croiriez-vous que l’univers doit vous envoyer des récompenses ?

2. Le monde est injuste ? Non. Pas de panique, je ne vais pas me contredire d’un paragraphe à l’autre. En fait, en observant un peu plus finement ce qui nous arrive, nous pouvons y voir une certaine logique. Pour reprendre mon exemple professionnel : j’ai fini par quitter l’entreprise où j’étais. J’ai d’ailleurs reproduit ce schéma deux fois. Au final, pour être honnête, j’ai obtenu ce que je voulais : je me suis développé, je suis en bonne santé, je suis heureux… D’autres personnes que je côtoyais à l’époque dans cet environnement de travail, et qui semblaient être récompensées, ne peuvent pas en dire autant (dépressions, burn-out, maladies graves…). Au final, j’ai le sentiment d’avoir obtenu un « cadeau », ce que je méritais.
3. La récompense n’est pas toujours celle qu’on imagine. Le sentiment d’injustice est similaire à la déception de l’enfant qui a demandé un camion de pompiers à Noël et qui a une boite de peinture. Il est déçu, se sent incompris, et ne réalise pas tout ce qu’il va pouvoir faire de génial avec cette boite de peinture. « C’est normal c’est un enfant », me direz-vous. D’accord, mais est-ce normal pour nous, adultes, de réagir de la sorte ? Visiblement, nous avons tous encore en nous cette part d’enfant qui manque de perspective, et ne voit pas au delà de l’instant présent. Alors voici une idée folle : si nous essayions de changer de perspective, pour considérer ce que nous recevons comme un cadeau, même si ce n’est pas exactement ce que nous avions imaginé ? Peut-être parviendrions-nous à être moins déçu…
Qu’en pensez-vous ?
Tant d’investissement réduit à néant
Le découragement est une émotion dont l’intensité est proportionnelle à la valeur qui est mise sur l’effort investi et sur le gain attendu, accru par l’absence de valeur placée dans l’échec. Je reformule : plus vous y mettez d’effort, plus vous en attendez un gain important, et moins vous accordez de crédit à un potentiel échec, plus allez morfler si le résultat escompté n’est pas au rendez-vous !
Une fois qu’on a saisi ce mécanisme, on accède à 3 leviers supplémentaires pour ne pas être découragé :
1. Si vous estimez que votre effort n’a rien coûté, vous ne serez pas abattu
Nous avons parfois un peu tendance à sur-estimer notre valeur, et donc celle de notre travail. Si nous arrivons à avoir une vision un peu plus modeste de nous-même, nous nous remettrons un peu plus facilement d’avoir « gâché » notre talent !
Il est néanmoins difficile de retirer de la valeur à l’effort quand celui-ci est basé sur du temps. Le temps est la seule monnaie de l’être humain, et si nous la dépensons sans compter, nous ne pouvons pas en gagner. Pour cette raison, la perte de temps est un sujet sensible (qui pourra faire l’objet d’un article entier ! ).
2. Si vous estimez que le gain est risible, ne pas l’obtenir ne vous abattra pas
Utilisez le lâcher-prise pour ôter de la valeur au but visé. Est-ce que c’était vraiment, réellement, absolument si important que ça? A l’échelle de votre journée, de votre semaine, de votre année, de votre vie ? Relativisez si cela vous aide, mais surtout : lâ-chez ! La bonne nouvelle c’est que le lâcher-prise se travaille très facilement avec la bonne méthode.
3. Si vous estimez que vous avez appris de votre échec, votre effort n’aura pas été vain.
C’est là une arme presque ultime après celle du lâcher-prise. Cette prise de position, de se dire « Après tout, j’ai gagné quelque chose » est redoutablement efficace ! Certes, vous n’avez pas obtenu le gain escompté, et il y aura peut-être des conséquences, mais en réalité, cette adversité vous permet d’évoluer. Ce revers (pour peu que vous en teniez compte) vous permet de vous diriger vers une meilleure version de vous-même.

L’échec est moteur de progrès s’il est bien utilisé. C’est le sens du dicton « ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort ».
Quand j’étais gamin, elle m’énervait cette phrase… Je ne voyais pas comment avec un bras en moins on pouvait devenir plus fort…
C’est toujours la même chose
« C’est dingue ! Chaque fois que je vis avec une fille ça se termine mal » Phrase véridique que j’ai entendu en consultation. Rien de sexiste la dedans, vous pouvez remplacer fille par garçon, chien ou cactus. J’utilise cet exemple pour illustrer le cas particulier de : « chaque fois que … cela échoue ».
Bien entendu, nous vivons mal cet échec et cela nous ramène au fameux sentiment d’injustice, évoqué plus haut. Nous le vivons d’autant plus mal que nous n’avons pas l’impression de mal faire, et qu’au lieu de la récompense attendue, nous sommes punis (en quelque sorte). En plus, on dirait que ce n’est même pas du hasard puisque cela se reproduit ! Le sort s’acharne sur nous !
On attribue cette petite phrase à Albert Einstein : « La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent. » (je ne suis pas un fan du bonhomme, mais la phrase est bien utile ici !)
Si on revient à mon exemple professionnel : je me suis clairement entêté dans ma démarche explicative. Mais comment aurait-elle pu fonctionner si je ne changeais rien ? Si je n’apprenais pas de mes échecs ?
C’est plus facile et pratique de rejeter la faute sur les autres qui n’écoutent pas (dans cet exemple) ou sur la fatalité, sur les filles, le mauvais sort… et si nous arrêtions de nous obstiner à reproduire sans cesse les mêmes comportements en espérant que l’issue change ?

Et si, au lieu d’être découragé de ne pas arriver au but fixé, on remerciait l’univers de nous montrer que cette méthode n’est pas la bonne ? Une fois l’avoir remercié, on pourrait essayer de trouver une autre manière de faire…
Pour conclure
Si je devais vous résumer façon minimaliste ces trois raisons de ne pas baisser les bras, et ces trois conseils pour ne pas être découragé, je dirais qu’il suffit, au fond, de changer deux choses :
1. Apprendre de chaque situation, pour transformer une impression d’échec en gain
2. Diminuer l’attente que l’on place dans les résultats, pour mieux apprécier ce qu’on obtient