Je vous vois déjà hausser les sourcils d’un air dubitatif derrière votre écran.
Comment ça ? Celui qui nous rabâche les oreilles avec « suivre les changements du monde », prêter attention à ce qui nous entoure pour « aller dans le sens des cycles de la nature », « respecter ce qui nous dépasse » et que sais-je encore… Et là d’un coup on parle d’aller à la plage en plein hiver ? Serais-je devenu fou suite à une overdose de papillotes ?

Bon, si vous me suivez depuis un certain temps, vous vous doutez aussi qu’il y a un petit piège caché sous mon titre provocateur. Sans doute pour mettre quelque chose en évidence. Comme des mécanismes tordus par exemple… Tordus depuis si longtemps qu’on ne les remarque même plus. Plongeons dans le vif du sujet.
A quoi avez-vous pensé ?
Je serais curieux de savoir ce qui vous a traversé l’esprit à la lecture du titre de cet article.
Avez vous été parcouru d’un frisson à l’idée d’être en maillot de bain sur une plage déserte sous un ciel gris ? Ou peut-être au contraire, emmitouflé entre pull, bonnet et écharpe, et en bonus blotti contre une épaule charitable, à la recherche d’un peu de chaleur ?

Pourtant, je n’ai évoqué ni froid, ni maillot de bain, ni pull… Et pourtant, les associations d’idées sont vite faites. Il ne manquait plus que le père Noël sur son traineau tiré par les rennes qui passe dans le ciel, sur fond de chorale mielleuse ! Oui, entre associations d’idées et clichés, il n’y a qu’un pas vite franchi.
« Noël », « plage ». Assez peu d’informations, et pourtant nous présumons, préjugeons, imaginons, et inventons même bien vite tout ce qui peut se cacher derrière ce titre. Deux mots, et autant de possibilités d’interprétations.

Pour ceux d’entre vous qui se sont vu sur une plage de la Manche en train de grelotter de froid, et qui pensent que c’est bien logique d’imaginer ceci : pourquoi ne pas avoir pensé à une plage australienne, sous les 30 degrés de l’hiver austral ? Le barbecue, la musique, une partie de frisbee ? Non, vraiment ? Et pourtant, j’y étais il y a quelques années à Noël. Mais il y a de fortes chances pour que votre esprit se soit concentré sur l’option et l’interprétation la plus proche, et donc probable : France, froid, pull. Et pour être honnête, alors que j’écris cet article au coin du feu, la plage de Bondi et son barbecue me semblent un peu loin. Ce fonctionnement de notre esprit, par raccourcis et suppositions, n’est pas forcément problématique. Il est même plutôt efficace au quotidien.
Lorsque vous êtes à table et que vous demandez à ce qu’on vous passe le sel, heureusement que la personne suppose que vous demandez la salière, sinon vous recevriez probablement une pincée de sel à la tête.
Lorsque vous saisissez un couteau, c’est en général par le manche, car vous supposez que la lame a un tranchant, et n’aimeriez pas vous couper. Or, il n’y a plus guère de couteaux vraiment tranchants dans nos cuisines.

Ce réflexe de présumer, de supposer, nous aide au quotidien. C’est par le même genre de raccourci que nous ne mettons pas les doigts dans la prise pour ne pas être électrocuté. Plutôt utile, et pas si stupide, tout compte fait.
Bon, alors si tout va bien avec nos raccourcis mentaux, où est-ce que je veux en venir avec ces histoires de plage et de salière ? Vous espérez sans doute qu’il y a une morale à cette histoire et que le but n’était pas juste de vous mettre des fantasmes de plage tropicale dans la tête pour rien ? Oui, promis.
Une fois n’est pas coutume, parce que j’aime bien les expériences, en voici une :
Si vous voyez une bouteille qui a la forme d’une bouteille de soda, avec une étiquette rouge et blanche, il y a de fortes chances pour que vous pensiez que c’est du Coca-Cola. Oui, l’expérience a été réalisée dans un grand magasin, où toutes les bouteilles de Coca-Cola du rayon soda avaient été remplacées par de fausses bouteilles avec des étiquettes leur ressemblant vaguement. Les personnes effectuant l’expérience demandaient aux clients ce qu’ils avaient mis dans leur panier et ils répondaient tous, très sûrs d’eux « du Coca-Cola! ». Ce n’est qu’après plusieurs secondes d’attention soutenue qu’ils se rendaient compte, avec beaucoup de surprise, de la méprise.

Je vous invite d’ailleurs à observer, lors vos prochaines courses, que c’est ce genre de stratégie que des sociétés productrices de fromages (jeux de mot inclus) utilisent pour mettre en avant un produit sans appellation, suivant un cahier des charges moins qualitatif, et revenant moins cher à produire.
Entre le fromage et le Coca, vous commencez sûrement à voir là où je veux en venir: nos préjugés nous mènent par le bout du nez !
Ils se substituent souvent (si ce n’est tout le temps) à notre réflexion, à notre capacité de choix – confère article précédent. Et lorsqu’on pense aux préjugés, on pense souvent à des préjugés énormes, du style « les français sont des râleurs », « la place des femmes est dans la cuisine ».
Évidemment, il est utile de combattre ces préjugés. Mais il serait tout aussi utile et bénéfique de prendre conscience que nos préjugés sont présents à tous les niveaux. Nous sommes bourrés de préjugés, plus ou moins importants.
Les préjugés de type « les femmes à la cuisine » sont les plus évidents, et finalement les plus facile à remettre en question. Ils ne sont que le sommet de l’iceberg.
Ma proposition est la suivante : plutôt que de se croire au-dessus de la mêlée, il serait préférable d’admettre que notre mode de fonctionnement quotidien est basé sur l’utilisation de préjugés, qu’ils soient du type de ceux qui nous évite une mort certaine, ou de ceux qui nous font remettre en question les droits humains les plus fondamentaux…
Et en parlant de gros glaçons dans l’océan, si nous revenions à la plage en décembre ?
Et la plage dans tout ça ?
Bon, c’est bien gentil tout ça, mais de la à aller à la plage à Noël…
De manière amusante, si j’avais parlé de « Noël à la neige » cela aurait sûrement moins interpellé. Car cette fête est associée avec la neige, les rennes, les sapins… Pourtant, je ne sais pas pour vous, mais à Cannes, là où je suis né, les rennes, sapins et flocons de neige ne courent pas les rues.

La plage en revanche… Enfant, je suis allé plus d’une fois à la plage le jour de Noël, et je suis heureux de pouvoir le faire à nouveau aujourd’hui.
Tout ça pour vous dire que les préjugés des uns ne sont pas ceux des autres. Mais dans les deux cas, ils restent des préjugés. Oui, parce que je vous mets au défi de trouver le rapport entre la fête (païenne puis chrétienne) de Noël, et Rudolf au nez rouge ou un bonhomme de neige…
S’offrir un peu de liberté
On reconnaît facilement un préjugé à son goût fade : c’est une idée pré-mâchée, que l’on peut utiliser sans aucune réflexion. Plutôt pratique pour éviter de se mettre en danger, pour agir rapidement… Peut-être dommage si l’on souhaite agir vraiment en accord avec nous-même.
Certes, cela demande une remise en question intellectuelle qui peut être couteuse. Mais en rester à la réflexion (si révolutionnaire soit-elle), en nous mènera pas très loin…
Alors pourquoi ne fêteriez vous pas Noël, le jour de l’an, le solstice d’hiver, la pleine Lune ou que sais-je en vous offrant une petite sortie des conventions et autres normes établies par on ne sait trop qui ni pourquoi ? Serait-ce une idée si extravagante que de vous demander ce que vous désirez vraiment, et d’oser faire ce petit pas vers la réalisation de cette idée folle sans vous occuper du quand dira-t-on ?

Est-ce que faire du trampoline ou grimper dans un arbre, « c’est pour les enfants » ? Est-ce que le surf, c’est seulement pour les californiens bronzés ?
Vous l’avez compris, la plage ici est un symbole. De ce que l’on s’interdit au nom de conventions, de préjugés, et de ce que l’on pourrait atteindre en s’en affranchissant.
Rendez-vous sur les réseaux sociaux pour un petit défi de Noël !
Et à bientôt à la plage !